1er, 2 et 3 juin 2016
Université du Maine (Le Mans) - GSRL (Paris)
Longtemps l’émergence de l’idée de « race » en Europe à l’époque moderne a été envisagée en lien étroit avec l’essor de la pensée scientifique. Dans le conflit de magistère qui oppose science et religion, la question des origines de l’homme est centrale et, avant que n’émerge au XVIIIe siècle un monogénisme scientifique, celui-ci se traduit souvent par l’opposition d’un polygénisme au récit de la création adamique.
Or, cette présentation achoppe sur deux écueils majeurs. Premièrement les religions peuvent tout à fait produire de la « race ». Ces dernières années, l’historiographie de la « race » dans l’Amérique ibérique a mis en valeur les continuités avec l’Espagne du bas Moyen Âge, en particulier à travers certaines idées comme l’incapacité de l’eau du baptême à effacer la macule du sang. Cela conduit à poser la question des conditions d’une racialisation du religieux ou du potentiel des récits religieux, notamment ceux produisant des généalogies, à produire de la « race ». Deuxièmement, l’historiographie associant « race » et science est en tout point européanocentrée puisqu’à la fois elle prend pour modèle la pensée scientifique européenne et elle fait des monothéismes euro-méditerranéens l’archétype de toute construction religieuse. Elleomet donc systématiquement d’étudier les relations entre religions et identités de type racial dans d’autres régions du monde, en particulier dans le contexte de confrontation de ces paradigmes européens avec les réalités des autres continents.
Les objectifs de ce colloque sont donc nombreux. Il s’agit tout d’abord de comprendre les conditions de la construction de mythes religieux racialisés et surtout d’en étudier la diffusion et l’impact dans les stratégies de conversion et d’intégration des convertis. A ce titre, une attention toute particulière sera portée aux réactions des minorités racialisées au sein d’un même groupe religieux entre rappels au dogme de l’unité originelle de l’humanité, construction de contre-discours racialisés ou sortie du groupe religieux. Dans le même ordre d’idée, ce colloque s’efforcera d’étudier la réception et l’adaptation de l’idée européenne de « race » dans des contextes religieux non européens. Enfin un dernier temps sera consacré, d’une part, aux réactions des milieux religieux face aux politiques raciales entre résignation, acceptation et adhésion et, d’autre part, au rapport contemporain des religions aux notions d’ethnie et de culture qui, dans certaines appréhensions, recoupent tout ou partie du champ autrefois couvert par l’idée de « race ».