Renseignements pratiques > La conférence du 1er juin au soirRace et conversion. Les politiques contemporaines en Asie du sud (Inde et Birmanie) Doit-on, lorsque l’on est Indien, être nécessairement hindouiste ? De même, faut-il être bouddhiste pour être birman ? A ces questions, les partis nationalistes et religieux à l’image du BJP (Parti du peuple indien) en Inde ou du Ma-Ba-Tha (Association patriotique birmane) au Myanmar (Birmanie) répondent depuis plusieurs décennies par l’affirmative. En Inde, dans les États gouvernés par le BJP, des lois interdisant les conversions à l’islam et au christianisme et facilitant le retour à l’hindouisme ont été édictées ces dernières années. De l’autre côté du Golfe du Bengale, le Ma-Ba-Tha a réussi à imposer en 2014 une loi de « protection de la race et de la religion » visant, à nouveau, musulmans et chrétiens. Deux spécialistes de la région – Nicolas Jaoul (CNRS) et Alexandra de Mersan (INALCO) – nous éclairent sur ces idéologies – encore mal connues en France – qui, en cherchant à faire coïncider race/ethnie et religion, prônent un retour à une hypothétique pureté originelle et entraînent de nombreuses violences à l’égard des minorités : persécutions à l’encontre des dalits (intouchables) quittant l’hindouisme en Inde, massacre des Rohingyas musulmans en Birmanie, etc. Alexandra de Mersan (INALCO/CASE) « Les Lois de protection de la race et de la religion en Birmanie Juillet 2012, Singapour. Dans un appartement transformé en monastère, un moine bouddhiste délivre un sermon à la quinzaine de laïcs – tous travailleurs migrants originaires de Birmanie – venus lui faire une donation de nourriture en ce seul jour de repos hebdomadaire. Chacun écoute respectueusement, silencieusement, acquiesçant parfois, une scène somme toute classique, si ce n’est par le contenu du propos du religieux. Celui-ci commente les violences intercommunautaires qui ont éclaté tout récemment entre des populations bouddhistes et musulmanes en Arakan, région à l’Ouest de la Birmanie, d’où il est lui-même issu comme la majorité de son audience. La rhétorique porte notamment sur la nécessité de défendre sa religion ainsi que sa nation (amyo), en achetant dans des boutiques dont le propriétaire est bouddhiste, afin que l’argent ainsi gagné soit lui-même transformé en donation faite à la religion (sasana) et aux moines. Ce même argument est porté quelques temps plus tard par certains moines en Birmanie dans un mouvement de boycott des commerces musulmans, connu sous l’appellation de « 969 », en référence au nombre qui figure sur les autocollants massivement distribués aux commerçants bouddhistes pour les identifier comme tels. A la même période, en mars 2013 sont perpétrées des attaques et destructions de mosquées et autres écoles coraniques, en différentes villes du pays. Dans le sillage de ces événements, le Ma Ba Tha, une association menée par des moines nationalistes mène une campagne dans tout le pays et fait pression auprès du Parlement pour finalement faire adopter les Lois dites « de protection de la race et de la religion » à quelques semaines des élections parlementaires de novembre 2015. La présentation éclairera le contexte et le sens de ces lois au regard de la conception de la religion et de la nation dans une perspective historique. Manifestation de soutien aux Rohingyas à Brisbane (Australie) - 2015 Nicolas Jaoul (CNRS/IRIS) « Inde : Ambedkar, la conversion des dalits (« intouchables ») au bouddhisme et la réfutation des théories raciales de l’intouchabilité. » En 1956, une grande conversion de masse des dalits (« intouchables ») fut menée par Ambedkar, le leader de l’émancipation des dalits. Cette conversion, de nature très politique, s’est accompagnée d’un discours sur un prétendu retour aux origines bouddhistes, dans lequel les origines de l’intouchabilité sont assimilées à la répression des derniers Bouddhistes ayant refusé de se soumettre aux brahmanes. Ce faisant, Ambedkar tournait le dos à une idéologie anti-brahmanique l’ayant précédé, par laquelle les dalits et autres basses castes s’identifiaient à la race dravidienne conquise et rabaissée par les aryens. J’analyserai les origines coloniales de ces théories raciales comme explication des divisions de castes, puis montrerai comment les premiers mouvements anti caste s’en sont saisis politiquement. Dans un second temps, je présenterai le bouddhisme Navayana, comme projet émancipateur inspiré à la fois du libéralisme politique et du marxisme. Enfin, je montrerai comment ces deux variantes idéologiques continuent à coexister actuellement dans le mouvement ambedkariste. Foule assemblée en 2014 à Calcutta à l'occasion d'un meeting du Vishva Hindu Parishad (Conseil hindou mondial), organisation indienne d'extrême droite défendant l'Hindutva (Hindouïté)
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